Un projet pédagogique

qui relie les contes

et les mathématiques

Et si les contes nous permettaient de faire évoluer notre manière d’aborder les mathématiques, dès les petites classes ? 

Myths & Maths est un projet européen Erasmus+ (2023-2026) qui fait se rencontrer les mondes de l’éducation, des mathématiques et des contes, en Espagne, en Bulgarie et en France. Proposé en quatre langues, il s’adresse aux équipes éducatives de la maternelle au secondaire et aux acteurs de la culture et de l’oralité qui souhaitent enrichir leur approche des mathématiques par le récit.

Étymologie

Les mathématiques passent souvent pour une terre aride : un désert de chiffres où l’on apprend des formules par cœur, aux antipodes des contes et de leurs forêts d’images. 

Pourtant, conter et compter partagent une même racine latine : computare, issu de putare « nettoyer, élaguer, mettre en ordre ». Clarifier, structurer, mettre en mots : un même travail nourrit autant le récit que la démonstration : à partir de quelque chose de chaotique, débroussailler, dégager une forme, tracer un chemin. Avec le conte, on démêle des situations ; avec les maths on ordonne les idées.

S’appuyer sur l’expérience sensible

Les ponts ne s’arrêtent pas là. Les mythes, le plus ancien des arts, et les mathématiques, la première des sciences, partagent un même terrain : l’imagination. Nombreux sont les mathématiciens qui décrivent une pratique sensible, faite d’intuitions, de perceptions, d’émotions, où l’imagination joue un rôle décisif.

Dans le cadre scolaire, avec les contraintes de temps et d’évaluation, il arrive que la réponse prenne le pas sur la démarche : on suit des procédures, on se focalise sur le résultat. Alors, quand la réponse tarde, l’élève peut se décourager et perdre confiance. 

Donner à voir le travail de la pensée avant la conclusion, c’est donner du sens aux mathématiques pour mieux impliquer chaque élève.

Pourquoi les contes ?

Dans Myths & Maths, le mot mythe est pris dans son sens premier de récit fabuleux : il englobe les contes de tradition orale, mais aussi les légendes, énigmes, comptines et autres formes de récit oral.

Alors, pourquoi choisir de travailler avec les contes ? 

Avec leurs formulettes d’ouverture comme « Il était une fois… », « Au temps où les tigres fumaient la pipe… », «C’était au temps où les bêtes parlaient », les contes ouvrent des mondes imaginaires, hors lieu et hors temps, qui obéissent à leurs propres lois. On est invité à admettre que tout y est vrai, on fait « comme si », le temps du récit.

Les mathématiques fonctionnent de la même manière.

Les énoncés invitent eux aussi à entrer dans un cadre hypothétique : « Soit un triangle isocèle », «Supposons qu’il existe un nombre rationnel dont le carré est 2 ».

De plus, dans les contes, comme dans les mathématiques, on manipule des objets, définis par leurs propriétés, qui n’existent qu’en pensée : baguette magique, clé marquée d’une tache de sang ineffaçable ou soulier de verre n’existent pas plus dans le monde sensible qu’une droite infinie, un cercle parfait ou des nombres négatifs…

Autrement dit, cadre, objets du conte et objets mathématiques sont d’abord des constructions mentales. S’entraîner à les imaginer, les transformer et raisonner sur eux, c’est préparer l’accès à l’abstraction et à la compréhension.

Et surtout, le voyage du héros du conte est d’abord intérieur : il doute, tente, échoue, ajuste sa stratégie, revient transformé. C’est la trajectoire même de la résolution en mathématiques : chercher, expérimenter, se tromper, persévérer, justifier — puis comprendre.

Développer les représentations mentales

Quatre gestes structurent ce travail mental dans un mouvement qui part de l’extérieur, qui vient en soi avant de revenir vers les autres.

  • Affiner la perception. On n’imagine qu’à partir de ce qu’on a perçu (formes, mouvements, situations).
  • Créer des images mentales. On compare ce qui a été perçu et mémorisé pour se figurer une scène, un schéma, une figure, on explore, on transforme, on recompose. C’est parce qu’on a déjà vu un lion et un aigle que l’on peut s’imaginer un griffon. 

  • Organiser. On structure ces représentations en une situation cohérente, tout en obéissant à des règles indispensables à la narration ou en une idée/démonstration (étapes, liens logiques cause → conséquence).

  • S’exprimer. On partage avec les autres ce monde intérieur en lui donnant une forme. On raconte avec ses propres mots pour partager sa démarche.

Dans ce processus, on questionne ses intuitions, on les met à l’épreuve, on les formule, on les révise si besoin.

L’importance de la parole

Au-delà des mondes imaginaires que le conte ouvre, la dimension orale du conte engage la pensée : sans support visuel, la voix sollicite l’imagination exploratoire. Dans une société fortement médiatisée par les images et la production d’objets culturels, où la création est concentrée chez un petit nombre de créateurs, l’oralité rend à chacun le pouvoir de se créer des représentations mentales et de les mettre en mots.

Myths & Maths invite à voir les mathématiques comme une aventure où le chemin compte autant que la réponse. Sans les confondre, conte et mathématiques activent des compétences communes : percevoir, imaginer, organiser, dire. Lier les mathématiques et le conte oral peut sembler une démarche audacieuse. Pourtant, les contes ont la capacité de préparer l’esprit à l’aventure mathématique, nous en sommes convaincus.